Le plaisir de créer et de redonner

Publié le 09/03/2013 à 00:00, mis à jour le 07/03/2013 à 10:58

Le plaisir de créer et de redonner

Publié le 09/03/2013 à 00:00, mis à jour le 07/03/2013 à 10:58

En 2001, à 43 ans, Daniel Gauthier a vendu ses parts dans le Cirque du Soleil, qu'il avait cofondé avec son ami Guy Laliberté. Il avait dans son compte en banque plus de millions qu'il ne pourrait en dépenser lui-même. Le plaisir aurait alors pu se trouver dans le farniente, au coeur d'une île paradisiaque. Il a plutôt été dans le labeur. Celui de recommencer, de rebâtir, de repartir à la conquête du monde, de redonner à la communauté de Charlevoix, le lieu de naissance des amitiés, du cirque et de l'amour de celle qui partage encore sa vie aujourd'hui.

«Je m'étais donné un an après le Cirque pour faire le vide. On a passé l'été à Baie-Saint-Paul, et je me trouvais trop jeune pour arrêter. Le gars qui, avant, n'avait pas assez de temps trouvait tout à coup ses journées trop longues. Je tournais en rond et je devenais détestable ! Je suis un entrepreneur, j'ai ça dans le sang. Fort du succès du cirque, je voulais répéter ça d'une certaine façon», se souvient Daniel Gauthier.

Il restait à trouver un projet qui réponde à ses valeurs et qui contribue à la société. Le Massif de Charlevoix était sur l'écran radar, et l'occasion de l'acquérir s'est présentée en 2002.

«C'est sûr qu'il faut que t'aimes le ski en tabarnouche, pour t'acheter une montagne et décider de faire un projet autour !» s'amuse-t-il.

Le ski bum, comme il se définit, a acheté sur un coup de tête, sans savoir quoi faire de la montagne.

«Je voulais être sûr de pouvoir y skier encore à l'avenir. Je venais d'avoir mes enfants, et je voulais qu'ils puissent y skier aussi, comme mes petits-enfants plus tard.»

Des embûches à la pelle

Maintenant que le Massif de Charlevoix négocie avec le Club Med, que le train est sur les rails, que l'Hôtel La Ferme de Baie-Saint-Paul offre ses charmes à la fois contemporains et ruraux, que la montagne s'animera sur quatre saisons et que la presse internationale célèbre l'originalité et l'authenticité du projet, tout peut ressembler à une partie de plaisir. Mais le succès instantané n'existe pas dans une aventure aussi longue et coûteuse. Il a fallu 10 ans et des embûches à la pelle pour bâtir le rêve, trois fois plus longtemps que ce que l'entrepreneur imaginait.

«Il y a des fois où je me suis demandé ce que j'étais allé faire là, ne connaissant pas le tourisme. Il y a des bouts, le doute s'est installé, et c'est ça le plus gros danger : douter de tes idées, de ta capacité et de la mission que tu t'es donnée. Quand tu tombes dans cette spirale, elle peut t'aspirer vers le bas, tu peux t'écoeurer et tirer la plogue. Mais je suis quelqu'un de trop conséquent dans les gestes que je pose et les engagements que je prends.»

Pour retrouver le plaisir dans ces moments de doute et de découragement, Daniel Gauthier s'est mis à regarder les gens qui l'avaient suivi, des gens qui avaient la foi en cette idée d'inventer un milieu de vie et un milieu de travail différents, où chacun se sentirait bien.

Il a aussi dû prendre du recul, à l'occasion, quand la pression a monté. Les délais de réalisation s'allongeaient, personne n'avait prévu au départ l'achat d'un chemin de fer ni l'incendie qui a détruit la ferme qui devait être transformée en hôtel à Baie-Saint-Paul. Actionnaires et institutions gouvernementales, qui ont investi 130 millions de dollars dans le projet, s'impatientaient. Et puis, il fallait aussi mener des négociations avec les employés et apporter des changements structurels dans une organisation en croissance.

«Je ne suis pas insensible à ça, je ne suis pas juste une machine d'affaires, précise l'entrepreneur. Il a fallu parfois prendre du recul pour me ramener à mes objectifs. Des fois, tu perds de vue le sens de ton projet quand tu es dans tes histoires de financement.»

Un projet qui rejoint ses idéaux

Pour retrouver son plaisir, Daniel Gauthier s'est rappelé qu'il aimait la région de Charlevoix et sa montagne, qu'il avait envie d'un développement durable et respectueux, et qu'il voulait se prouver à lui-même qu'il était encore capable de travailler en équipe pour bâtir un projet qui incarnerait ses idéaux de justice sociale et d'environnement.

«Au Cirque, on a toujours dit que, par le rapprochement des arts et des affaires, on voulait travailler à bâtir un monde meilleur. Ces valeurs, je les ai emmenées au Massif.»

Les valeurs, c'est le noyau du plaisir. Après, il y a la joie de l'idéation et de la création.

«Mais c'est relativement facile d'avoir une bonne idée, le vrai défi est de la concrétiser. Si, dès le départ, tu es convaincu, tu as un maudit bon bout de chemin de fait.»

Au quotidien, Daniel Gauthier trouve son bonheur d'entrepreneur dans le partage de son expérience.

«J'essaie d'être un guide plutôt que d'être directif. C'est peut-être exigeant, mais les gens disent que je les pousse continuellement à aller voir plus loin, à aller voir au-delà de ce qu'on imagine. J'aime travailler avec les gens à établir les stratégies et les orientations. Quand je réussis à faire ça dans le bon climat, c'est très valorisant.»

Les négociations pour établir des partenariats passionnent aussi Daniel Gauthier, tout comme les rencontres, qu'elles soient avec les grands de ce monde ou avec les gens de la place.

«J'ai besoin de rester connecté à la base.»

Le succès serait-il possible sans le plaisir ? Tout dépend du genre de succès qu'on cherche à obtenir, croit Daniel Gauthier.

«Mais j'ai toujours pensé que, dans la vie, il faut avoir du plaisir et de la passion. Quand tu perds un des deux, t'es peut-être mieux de penser à te retirer et à aller voir ailleurs. La passion, c'est ce qui te garde collé à ton projet ; le plaisir, c'est au quotidien. Tout n'est pas plaisant et parfait, c'est comme quand tu reçois : c'est l'fun de partager le repas, mais tu dois faire la vaisselle après. À la fin de la semaine, il faut que, sur la balance, le poids du plaisir soit positif.»

Un accouchement attendu

Dix ans après l'achat du Massif, Daniel Gauthier a commencé à savourer le plaisir de partager ce lieu touristique qu'il a voulu différent des autres et intimement lié à la communauté. «Travailler dans le virtuel, c'est difficile. Là, on a livré le train et l'hôtel en 2012, et on a eu une bonne presse et beaucoup de félicitations. Ça fait du bien, il était temps ! Il y a eu un bout où on avait drôlement hâte d'accoucher !»

GROUPE LE MASSIF

Bâti autour de trois pôles

-> la montagne de Petite- Rivière-Saint-François

-> le train de Charlevoix

-> l'Hôtel La Ferme de Baie-Saint-Paul (145 chambres)

258 M$

L'investissement atteint 258 M$ (dont 55 M$ de Daniel Gauthier).

500

D'ici cinq ans, 500 unités d'habitation sont prévues à la montagne.

2015

Négociations avec le Club Med, qui pourrait y installer un premier club au Canada en 2015.

770

Le Massif emploie 770 personnes.

Le plaisir d'entreprendre

Série 1 de 10

Avec cette série de 10 entrevues que nous publierons jusqu'en décembre, nous souhaitons inspirer des vocations. Comment naît le plaisir de prendre des risques ? Où le trouve-t-on dans le quotidien de l'entreprise ? Comment le garder vivant malgré les embûches ? Comment arrive-t-on à le transmettre ? Est-il obligatoire pour connaître le succès ?

valerie.lesage@tc.tc

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