Le monde de Patrick Beauduin

Publié le 01/12/2008 à 00:00

Le monde de Patrick Beauduin

Publié le 01/12/2008 à 00:00

Patrick Beauduin est vice-président et chef de la création convergente, chez Cossette Communication. Il est président du Mondial de la publicité francophone et juge au Press & Poster de Cannes. Il est également l'un des cofondateurs du programme communication-marketing de HEC Montréal. Il oeuvre dans le domaine de la publicité depuis plus de 20 ans.

Comment les annonceurs réagissent-ils à la crise financière ?

Bon nombre d'entre eux sont en mode panique. Les entreprises réduisent instinctivement leur budget publicité et marketing. En Europe, Peugeot et Renaud ont révisé à la baisse. On remarque le même phénomène en Amérique du Nord. Évidemment, nous essayons de calmer le jeu, de dire aux dirigeants qu'il faut faire des choix éclairés et non pas uniquement réagir en sabrant la gestion de leur image. Si, à court terme, réduire ces budgets est une stratégie qui donne l'impression de rapporter, à long terme, elle n'est pas bénéfique.

Qu'est-ce qui est le plus touché ?

Tant la forme que le fond des publicités sont touchés. Les annonceurs réduisent la taille de leurs annonces dans les publications ou passent de la couleur au noir et blanc. Sur le plan du contenu, nous observons surtout un transfert : on favorise les publicités orientées vers la vente plutôt que celles axées sur l'image et la marque. L'objectif est de vendre pour ne pas accumuler de stocks excédentaires. Déjà, nous voyons un peu partout des publicités qui annoncent des rabais. Sans dire que nous tombons dans la réclame, le message est clairement orienté vers les économies et les rabais.

Cette stratégie publicitaire est-elle dangereuse ?

Il y a le danger d'oublier la marque au profit d'un discours orienté exclusivement vers l'économique. L'identité et la personnalité d'un produit peuvent en souffrir. La fidélité des consommateurs à une marque ne se construit pas sur des aubaines. Ceux qui le croient se trompent. Ils se rendront rapidement compte que leur clientèle sera prête à quitter leur navire dès qu'un concurrent offrira de meilleurs prix. En adoptant cette stratégie, nous n'atteignons pas l'objectif principal de la publicité, qui est de fidéliser les clients.

Peut-on tirer profit d'une crise économique ?

Ça s'est déjà vu. Ceux qui miseront sur une stratégie qui allie la préoccupation financière des consommateurs à l'image de leur marque traverseront beaucoup mieux cette crise. C'est le cas de Toyota. Dans une de ses publicités télévisées, le constructeur japonais nous dit que nous pouvons troquer l'automobile pour le vélo. Son message : "Prenez la voiture seulement lorsque vous en avez besoin... cela vous fera économiser." Au moyen de cette publicité, Toyota montre qu'elle se préoccupe encore des questions environnementales [NDRL : depuis quelques années, Toyota vante les mérites de ses voitures sur le plan environnemental : petits véhicules, hybrides, etc.] et propose en même temps une solution concrète pour économiser. Il s'agit de publicités que je qualifierais de "civiques".

La crise peut donc servir de levier ?

Dans une certaine mesure, oui. Une crise économique est une sorte de défibrillateur de marché. Elle brise les habitudes et ébranle le statu quo, ce qui peut être perçu comme un moyen de créer de nouvelles possibilités. Je me rappelle du choc de 1987 [NDLR : en un jour, la valeur de l'indice Dow Jones avait chuté de plus de 22 %, ce qui a créé de l'incertitude sur les marchés au cours des mois qui ont suivi]. Des entreprises avaient sauté sur l'occasion et s'étaient approprié l'espace laissé par des concurrentes plus "conservatrices".

Quel est l'impact d'une crise sur les agences de pub ?

Elle les force à se montrer plus créatives afin de rejoindre des consommateurs craintifs. Cela peut signifier que l'on imagine de nouvelles façons de communiquer les messages. Comme Internet devrait susciter plus d'intérêt parce que la publicité y est moins chère, les publicitaires devront adapter encore plus le message à ce support. Et cela risque de devenir encore plus délicat au fil des mois. Car selon moi, l'ébranlement de l'univers financier n'est que la pointe de l'iceberg. Pour beaucoup de consommateurs, la crise économique reste un concept abstrait : les compressions de personnel n'ont pas encore eu lieu et le taux de chômage n'a pas augmenté.

Combien Cossette Communication perdra-t-elle dans cette crise ?

Difficile à estimer. Pour 2008, nous avions prévu une croissance de 4 à 6 %. Ces chiffres seront revus à la baisse. Mais chose certaine, nous ne perdrons pas 40 %, comme l'ont fait les titres boursiers. Les plus touchés de notre secteur seront ceux qui n'ont pas un portefeuille d'activités diversifié, les petites entreprises de publicité, par exemple. Les plus gros joueurs, qui touchent aussi bien au marketing, à la publicité et aux communications, s'en sortiront mieux, car ils pourront adapter leur communication en fonction des attentes des entreprises et de la réaction des consommateurs. À titre d'exemple, une partie des budgets destinés à la publicité peut être transférée au marketing.

Les produits de luxe sont-ils les premiers touchés ?

Non, pas du tout. La clientèle des produits de luxe ne change pas. Quelqu'un qui gagne trois millions de dollars par an gardera le même train de vie, même s'il perd quelques centaines de milliers de dollars. Ce n'est pas le cas de la classe moyenne. Vous n'êtes pas sans savoir que l'écart entre les riches et les pauvres est de plus en plus large. La population qui se trouve entre les deux est celle qui sera le plus touchée. Du coup, une économie de pauvreté s'installe. Nous l'observons déjà à l'heure actuelle. En Europe de l'Est, on a mis en marché la Logan, une petite voiture bon marché qui pourrait rejoindre cette population. Ce qu'on remarque, c'est que cette voiture est désormais populaire en Europe de l'Ouest. C'est peu dire.

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