Le moment de monter à bord ?

Publié le 03/11/2012 à 00:00, mis à jour le 01/11/2012 à 09:50

Le moment de monter à bord ?

Publié le 03/11/2012 à 00:00, mis à jour le 01/11/2012 à 09:50

C'est bien connu, tout ce qui monte redescend. Les actionnaires du secteur fortement cyclique du transport aérien en savent quelque chose. Mais après les pluies diluviennes des dernières années, le beau temps semble apparaître sur les tableaux de bord des analystes.

Tandis que Transat A.T. (Tor., TRZ.B, 5,31 $) se relève le nez après des mois de turbulences et réalignements stratégiques, Air Canada (Tor., AC.B, 1,78 $) et WestJet (Tor., WJA, 17,40 $) s'apprêtent chacune à explorer de nouveaux marchés.

L'ancienne société de la Couronne prépare pour juin 2013 le lancement d'un nouveau transporteur à bas coût, dont le nom est toujours inconnu, spécialisé dans le voyage d'agrément. Jumelé à Vacances Air Canada au sein d'une nouvelle division, ce futur transporteur devrait lui permettre de mieux concurrencer WestJet, mais également Transat.

De son côté, le transporteur de Calgary prépare pour la «deuxième moitié de 2013» le lancement de WestJet Encore, un transporteur régional à bas coût qui a toutes les chances de couper l'herbe sous le pied d'Air Canada Jazz, et de son opérateur Chorus Aviation (Tor., CHR, 3,07 $), dans plusieurs régions plus ou moins éloignées.

Nouvelles batailles, meilleures perspectives

Après des années de bataille - à laquelle continue de prendre part Porter Airlines - pour la conquête des voyageurs d'affaires dans le triangle Montréal, Toronto, Ottawa, puis entre Toronto et New York plus récemment, le combat se transforme.

Là où l'on cherchait surtout à séduire les voyageurs d'affaires, réputés jusqu'à six fois plus lucratifs qu'un passager en classe économique, les transporteurs se concentrent aujourd'hui sur les liaisons régionales et les voyages d'agrément, à bas coût.

De nouveaux face-à-face qui, loin d'inquiéter les analystes, semblent au contraire porteurs d'espoir pour les investisseurs.

«Tous ces mouvements et initiatives stratégiques auxquels on assiste ne m'inquiètent pas du tout», dit Jacques Kavafian, un ex-analyste financier de l'industrie, aujourd'hui vice-président de Toll Cross Securites, une firme de courtage de Toronto. «Ceux qui s'inquiètent oublient que la demande dans ce secteur croît en moyenne de 4 à 5 % par an et qu'il n'y a pas eu de réel ajout de capacité depuis des années. Il y a de la place pour tout le monde.»

WestJet s'attaque aux monopoles régionaux

WestJet continue d'être la coqueluche des analystes. La firme UBS a relevé sa cible de 20 $ à 23 $ l'action le 16 octobre, et la Financière Banque Nationale, de 22 $ à 23,50 $.

Le lancement de sa filiale régionale, WestJet Encore, aura entraîné une commande de 20 Q400 NextGen à Bombardier (683 M$ US), assortie d'options pour 25 autres avions Q400 (1,6 G$ US). Ce sont les mêmes appareils qu'utilise Porter Airlines depuis sa fondation.

WestJet Encore offrira de nouvelles liaisons vers des communautés éloignées des provinces de l'Ouest, mais peut-être aussi d'autres régions du pays. WestJet dévoilera plus tard les villes visées.

En plus d'offrir de nouvelles destinations à ses clients, ce transporteur régional jouera un rôle de desserte vers ses liaisons principales, une stratégie dont seule Air Canada profitait jusqu'à présent. Scott Farley, de Valeurs Mobilières TD, estime que de 15 à 20 % de sa clientèle régionale sera en transit, une situation susceptible d'accroître à peu de frais le bassin de clientèle des services réguliers de WestJet.

Même si d'aucuns minimisent l'impact que pourrait avoir cette nouvelle stratégie de WestJet sur Air Canada, tous auront remarqué avec quel empressement cette dernière a annoncé, le 18 octobre, sa décision d'accroître la fréquence de huit liaisons régionales au départ et à destination de Calgary, Edmonton et Vancouver.

Air Canada semble craindre l'effritement de sa clientèle régionale, qu'elle desservait jusque-là de manière quasi monopolistique. La concurrence qui se prépare sera bonne autant pour les consommateurs que pour WestJet, croit le gestionnaire de portefeuille Irwin A. Michael, président d'I.A. Michael Investment Counsel, de Toronto. D'ici la fin de 2015, calcule Scott Farley, de la TD, WestJet Encore pourrait générer 15 % de son bénéfice par action et jusqu'à 23 % au terme de l'exercice de 2016.

WestJet a aussi commencé à introduire sur sa ligne régulière une classe de sièges de catégorie supérieure, une initiative susceptible d'ajouter dès 2013 0,10 $ à son bénéfice par action, estime Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale (FBN).

Air Canada atterrit dans les vacances à bas coût

Depuis le début d'octobre, la plupart des analystes ont relevé leurs attentes à l'égard d'Air Canada, qu'ils recommandent d'acheter avec de moins en moins de retenue. La Financière Banque Nationale a relevé son cours cible de 1,35 $ à 1,70 $, BMO Marché des capitaux, de 1,20 $ à 2,50 $, et Valeurs Mobilières TD, de 2 $ à 3 $ l'action.

Cet enthousiasme est lié en grande partie au lancement à venir de sa nouvelle ligne aérienne à bas coût, spécialisée dans le voyage d'agrément, et pour laquelle Air Canada prévoit transférer pas moins de 50 anciens appareils à mesure que sa ligne régulière prendra livraison de ses très attendus Boeing 787.

Ce nouveau venu encore sans nom sera dirigé par un pro de l'industrie du voyage. Michael Friisdahl, ex-chef de la direction de Thomas Cook North America, compte plus de 25 années d'expérience dans le secteur du voyage et dans l'industrie du tourisme d'accueil. Air Canada a bon espoir de parvenir à mieux concurrencer ses rivales, réputées profiter de structures de coûts inférieures de 30 % à la sienne.

Le lancement d'un transporteur à bas coût, à compter de juin 2013, n'est pas sans risque pour Air Canada, qui se retrouve avec une flotte d'appareils plus âgés et à la taille mal adaptée aux types de voyages auxquels on les destine, souligne M. Doerksen, de la FBN.

Toujours fortement endettée et aux prises avec des relations tendues avec ses employés, Air Canada demeure, aux yeux de Hilda Maraachlian, analyste d'UBS, sensible aux aléas de l'économie, des prix du carburant et des revenus par siège disponible.

Transat à risque ?

Aucun observateur ne sait exactement comment le nouveau transporteur vacances à bas coût d'Air Canada touchera WestJet et Transat, mais Cameron Doerksen voit le nouveau-né d'Air Canada comme un nouveau Transat dans le secteur du voyage canadien.

Jacques Kavafian est moins inquiet. Il estime qu'au lieu de s'engager dans une guerre de prix qui ne profiterait qu'aux consommateurs, l'ex-transporteur national cherchera à augmenter ses marges bénéficiaires (en maintenant les prix au niveau actuel) grâce à une réduction de ses coûts d'exploitation.

M. Doerksen s'attend à ce que l'impact soit plus grand sur Transat que sur WestJet, qui dépend moins du créneau voyage. «Au net, écrit-il, nous croyons que cela (l'initiative low-cost d'Air Canada) aura pour effet de réduire le rendement de tous les acteurs de l'industrie.»

Un optimiste tous azimuts

L'investisseur doit-il prendre position en vue d'un redécollage ou patienter encore, le temps de mieux observer comment chacun saura se tirer d'affaire ? Jacques Kavafian se dit acheteur des titres de Transat, de WestJet, et même d'Air Canada qui pourrait apporter des gains rapides. «Au-delà d'un seuil de 2 $ l'action, j'estime par contre qu'Air Canada deviendra beaucoup plus risquée.»

WestJet est aussi un achat, malgré l'incertitude qui plane encore. «Le risque est peu élevé, tout le monde sait que la direction va livrer le rendement promis.»

Et que penser de Transat, qui sera la première à subir la concurrence du nouveau venu d'Air Canada ? «Achat», répond encore M. Kavafian. Dans le domaine depuis 30 ans, il n'a aucun doute quant à la capacité du fondateur, Jean-Marc Eustache, de relever son entreprise.

À un peu plus de 5 $ au moment de l'entrevue, le titre de Transat pourrait atteindre les 15 à 20 $ d'ici le printemps et les 30 $ à plus long terme, selon le vice-président de Toll Cross. «Les analystes sont trop négatifs, dit-il. Son action valait 42 $ en 2008. C'est pourtant le même Transat !»

7,66 $

C'est l'encaisse par action que Transat détenait à la fin du troisième trimestre. Ce montant offre un coussin financier à l'entreprise montréalaise pour réaliser sa restructuration, signale Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale.

TROIS TITRES SUR LA PISTE DES ANALYSTES

APERÇU DES RECOMMANDATIONS

AIR CANADA (AC.B, 1,80 $)

13 analystes recommandent

CONSERVER 3

VENDRE 1

ACHETER 9

Cours cible : 2,70 $

«Air Canada dispose de plus d'outils pour réduire ses dépenses et soutenir sa croissance, et de flexibilité financière pour mettre en place sa stratégie (sa contribution au fonds de pension des employés ne devrait pas croître dans un avenir prévisible).» - Fadi Chamoun, analyste de BMO Marché des capitaux, Toronto

AIR CANADA

Fin d'exercice en cours (2012) : 31-12-2012

Ratio cours/bénéfice : n.d.

Bén. prévu par action : - 0,41 $

Revenus prévus : 12 G$

Prochaine fin d'exercice (2013) : 31-12-13

Ratio cours/bénéfice : 4,58

Bén. prévu par action : 0,378 $

Revenus prévus : 12,3 G$

Évolution du titre depuis un an : 34,9 %

Lancement en juin 2013 d'un tout nouveau transporteur à bas coût spécialisé dans les voyages d'agrément (Europe et Caraïbes), qui reste à baptiser.

Flotte : jusqu'à 50 appareils (30 appareils Airbus 319 et 20 appareils 767 de Boeing), anciennement utilisés par la ligne régulière d'Air Canada.

APERÇU DES RECOMMANDATIONS

WESTJET (WJA, 17,51 $)

15 analystes recommandent

CONSERVER 0

VENDRE0

ACHETER 15

Cours cible : 22 $

«L'offensive régionale de WestJet Airlines n'est pas sans risque. Il est encore tôt pour se prononcer, mais je respecte cette entreprise qui s'est toujours montrée très disciplinée.» - Irwin A. Michael, président d'I.A. Michael Investment Counsel Ltd., Toronto

WESTJET

Fin d'exercice en cours (2012) : 31-12-2012

Ratio cours/bénéfice : 10,9

Bén. prévu par action : 1,58 $

Revenus prévus : 3,4 G$

Prochaine fin d'exercice (2013) : 31-12-13

Ratio cours/bénéfice : 9,63

Bén. prévu par action : 1,80 $

Revenus prévus : 3,6 G$

Évolution du titre depuis un an : 33,8 %

Lancement de WestJet Encore, en juin 2013, un nouveau transporteur à bas coût aux liaisons régionales.

Flotte : jusqu'à 45 Q400 NextGen de Bombardier.

Lancement d'une nouvelle «section économique de catégorie supérieure», baptisée Premium Economy.

APERÇU DES RECOMMANDATIONS

TRANSAT (TRZ.B, 5,29 $)

8 analystes recommandent

CONSERVER 5

VENDRE 0

ACHETER 3

Cours cible : 5,50 $

«Étant donné l'accent [qu'Air Canada] met sur les destinations soleil et européennes mal desservies, nous considérons que l'aventure est une menace contre Transat, plus que contre WestJet.» - Cameron Doerksen, analyste de la Financière Banque Nationale, Montréal

TRANSAT A.T.

Fin d'exercice en cours (2012) : 31-12-2012

Ratio cours/bénéfice : n.d.

Bén. prévu par action : - 0,74 $

Revenus prévus : 3,7 G$

Prochaine fin d'exercice (2013) : 31-12-13

Ratio cours/bénéfice : 17,87

Bén. prévu par action : 0,30 $

Revenus prévus : 3,7 G$

Évolution du titre depuis un an : - 22,6 %

Mise en place d'un plan de redressement.

Investissement de 50 M$ dans la rénovation de ses cabines. D'ici 2013, les cabines de tous ses A330 seront refaites à neuf, avec écrans individuels pour vidéo sur commande et éclairage modifié.

«À mon avis, les analystes sont un peu trop enthousiastes en ce qui a trait au secteur aérien. Surtout en sachant qu'au cours des deux prochaines années, les consommateurs canadiens verront leur budget sous pression et qu'ils devront réduire leurs dépenses de consommation. Avec plus de concurrence, il est évident que chaque transporteur tentera de défendre ses parts de marché, ce qui a toutes les chances de se traduire par une baisse des prix pour les consommateurs et... de bénéfices pour les compagnies aériennes.» - Denis Durand, associé principal de Jarislowsky Fraser, Montréal

martin.jolicoeur@tc.tc

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