Jongler avec les projets informatiques à la manière du Cirque du Soleil

Publié le 22/08/2009 à 00:00

Jongler avec les projets informatiques à la manière du Cirque du Soleil

Publié le 22/08/2009 à 00:00

Par Alain McKenna

Pour le Cirque du Soleil, les bilans, ou post-mortems, sont une occasion de tirer des leçons des projets une fois qu'ils sont terminés.

Si le Cirque est connu à l'échelle mondiale pour son sens de la démesure, sa créativité et son originalité, il l'est moins pour la rigueur dont il doit faire preuve dans la gestion de ses nouveaux projets. Et ils sont nombreux. L'entreprise créée il y a 25 ans réalise des projets sur trois continents, en ajoute de nouveaux régulièrement, et doit absolument tout faire dans les délais prévus. Sinon, les spectateurs passeront la soirée devant une scène vide...

Chacun de ces nouveaux projets repose sur une infrastructure informatique d'une certaine envergure. Que ce soit en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie, ça prend chaque fois de nouveaux serveurs, de nouveaux réseaux, ainsi de suite. Afin d'améliorer le déploiement de ces technologies d'un site à l'autre, l'entreprise procède systématiquement à des postmortems, et ce, depuis plusieurs années.

" On en fait depuis longtemps, à la fin de tous nos gros projets ", assure Bernard Hébert, responsable des TI et de la gestion du savoir au Cirque du Soleil. En raison de son rôle, M. Hébert doit procéder à la mise en place des outils de communication pour chaque nouveau spectacle. " Nos projets sont rarement ciblés sur une seule technologie ", explique-t-il. Au total, il estime procéder à une douzaine de bilans chaque année.

Selon lui, cette façon de faire permet d'améliorer les projets suivants, puisqu'elle met en évidence des détails qui échappent à l'analyse en cours de projet, mais qui deviennent apparents à la longue. " On retrouve des problèmes communs d'un bilan à l'autre : la clarification des rôles était imparfaite, ou les résultats variaient ", constate-t-il.

Des erreurs récurrentes

Ces conclusions ne sont pas uniques au Cirque du Soleil. En fait, elles reviennent plus souvent qu'on le pense, selon Richard Dancause, associé fondateur de Brio Conseils, une firme de Québec qui aide les entreprises à gérer ces changements. Les entreprises ont tendance à négliger de définir le rôle des employés et de fixer des objectifs précis au moment de la mise en chantier d'un nouveau projet.

M. Dancause estime que les bilans aident les entreprises à améliorer ces deux éléments. " Il existe deux types de post-mortems. Le premier s'attarde à la démarche : comment a-t-on réalisé le projet ? Et le second se concentre sur les résultats : qu'est-ce que le projet a donné ? " explique-t-il.

Pour de nombreuses entreprises, les bilans sont une procédure assez courante. À la conclusion d'un projet pour un client, pour un supérieur ou pour une autre unité au sein de l'entreprise, on fait le point sur les bons et les moins bons coups.

Naturellement, il devrait en être de même lors de l'implantation de technologies, ce qui n'est pas toujours le cas. " C'est dommage, car cela aide les entreprises à se transformer, à améliorer continuellement leur service à la clientèle et leurs processus d'affaires ", déplore M. Dancause.

Les objectifs oubliés

Autre erreur que peuvent aider à corriger ces bilans : le décalage entre l'objectif désiré par la direction et celui obtenu par les responsables du projet. " Les plans de communication sont souvent déficients et, en cours de route, on peut finir par perdre de vue le bénéfice attendu par la direction ", estime M. Dancause, qui vient de préparer une formation sur le sujet pour le compte du CRIM, à Montréal.

C'est particulièrement délicat dans le cas où une entreprise tenterait de développer une nouvelle technologie, comme un site Web où vendre ses produits. Dans ce cas, la technologie la plus sophistiquée n'est pas nécessairement la meilleure. L'objectif de l'entreprise est-il de développer un outil à la fine pointe de la technologie ou d'augmenter les ventes ?

Parfois, il se peut que la technologie soit impeccable, mais les revenus ne suivent pas. La solution fonctionne peut-être à merveille, mais elle est inutile si les gens ne s'en servent pas... et on pourrait dire qu'il en va de même pour les post-mortems.

FAIRE MOINS, PENSER PLUS

" Depuis 20 ans, les TI ont eu beaucoup de pouvoir au sein des entreprises, mais on sent que celui-ci bascule vers les directeurs financiers ", dit Jean-Michel David, analyste d'affaires chez Infoglobe, une entreprise de Québec comptant 80 employés, spécialisée dans les solutions reposant sur le logiciel libre.

En adoptant de nouvelles solutions technologiques, les entreprises voient maintenant plus large que par le passé. Elles tiennent compte de facteurs qui ne sont pas technologiques, par exemple l'impact sur l'environnement. " Habituellement, les gens en TI s'attaquaient à un problème en installant une solution technologique, mais ils n'avaient pas nécessairement validé le besoin réel de l'entreprise. " Dans ces cas, les résultats sont souvent décevants.

Pour éviter les fiascos, les entreprises doivent avoir une vue globale des projets de TI. Cela implique que les dirigeants s'intéressent aux technologies et que les spécialistes informatiques développent un meilleur sens des affaires, croit Sylvie Leclair, directrice des TI à la Société générale de financement du Québec (SGF). Le directeur informatique doit bien connaître l'organisation. En revanche, la haute direction doit saisir la portée des TI, explique-t-elle. Selon la porte-parole de la SGF, des gens qui peuvent redémarrer un poste informatique en panne, c'est bien. D'autres qui peuvent créer des occasions d'affaires à partir de nouvelles technologies informatiques, c'est mieux. " On a moins besoin de faiseurs, on a plutôt besoin de penseurs ", dit-elle.

L'ABC DU BILAN EN TI

On peut généralement diviser les projets à caractère technologique en deux types.

Il y a ceux qui visent à implanter ou utiliser une nouvelle technologie dans le cadre des activités de l'entreprise, comme un système intégré de gestion d'entreprise, les fameux ERP. Il y a aussi ceux dont l'objectif est la mise au point d'une nouvelle technologie, comme une plateforme de commerce électronique où vendre ses produits à de nouveaux clients.

Dans les deux cas, il est tout à fait indiqué d'effectuer un bilan, dit Richard Dancause, de Brio Conseils. " Le défi technologique est délicat dans les deux cas, même s'il n'est pas le même. " Cela dit, un bilan réalisé dans le cadre de la conclusion d'un projet technologique ne devrait pas être différent des autres : son but est de déterminer ce qui n'a pas marché comme prévu, et ce qui s'est finalement produit, ou pas.

Même s'il vise à déceler les lacunes, le bilan ne doit pas servir à régler des comptes. Ni permettre de trouver un bouc émissaire.

Généralement, l'exercice prend une demi-journée de travail et se fait en deux étapes : un questionnaire auquel chaque participant au projet répond, et une rencontre de groupe où ces réponses sont ensuite analysées et mises en contexte. " L'objectif est de répéter les bons coups et de ne pas répéter les moins bons ", conclut le consultant.

alain.mckenna@transcontinental.ca

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