Beauce : le spectre de l'américanisation de l'économie

Publié le 26/05/2012 à 00:00

Beauce : le spectre de l'américanisation de l'économie

Publié le 26/05/2012 à 00:00

Des entreprises à vendre, il y en a en Beauce, car ceux qui ont bâti les entreprises manufacturières arrivent à l'âge de la retraite. Devant la rareté de la relève et l'abondance d'occasions, le spectre de l'américanisation soulève des préoccupations. On a déjà vu des joyaux, comme MAAX, passer sous contrôle états-unien.

«Si des entreprises étrangères achètent, les bénéfices partent ailleurs, il n'y a plus beaucoup d'implication sociale dans le milieu et, quand il y a des difficultés, l'entreprise étrangère ferme l'usine québécoise», craint Claude Morin, du Conseil économique de Beauce.

C'est en partie ce qui est arrivé chez Équipement Doyon, à Saint-Côme-Linière, en 2011. Acheté par la corporation d'Illinois Middleby, en 2009, le fabricant d'équipement de boulangerie a transféré la production dans une usine du Michigan, mieux située pour desservir les États-Unis. Des 55 emplois, il n'en reste que 20, aux ventes, au service et à la R-D.

«On était la 20e entreprise à être achetée par Middleby depuis 2002, dit Jean-Pierre Doyon, maintenant directeur des ventes de Doyon Nu-Vu au Canada. Elle n'avait fermé aucune des entreprises achetées et, pour mon grand-oncle, c'était une condition essentielle à la vente. Middleby achetait la bâtisse et l'équipement, on ne pensait pas qu'ils transféreraient la production, mais ça s'est fait.»

Diplômé en gestion de l'Université Concordia, Jean-Pierre Doyon, 29 ans, a songé à racheter l'entreprise, tout comme son oncle Karl. Mais ils n'auraient pu payer le même prix que Middleby, prête à allonger une bonne somme, en sachant que son volume élevé de fabrication lui permettrait de réduire de 20 % les coûts de production de l'usine.

«Il fallait aussi se demander comment on allait rester concurrentiel face à un acteur qui grossissait à ce point. Allait-il venir dans notre marché au Canada, aidé par la remontée du dollar canadien ?» s'est demandé le jeune gestionnaire.

La décision de vendre l'entreprise à des acheteurs américains n'a pas été facile. Les Doyon auraient aimé garder tous leurs employés et continuer d'encourager les entrepreneurs beaucerons, chez qui ils achetaient auparavant des composants électroniques et des vitres.

«Quoique les vitres, on a fini par les acheter en Asie, c'était plus économique. La question, c'est souvent celle- ci : est-ce qu'on se tient ou bien on coule ensemble, parce qu'on se tient ?» demande Jean-Pierre Doyon.

Faute de repreneurs

Tout n'est pas perdu malgré la vente : l'entreprise existe encore et les Doyon ont fait le pari qu'elle pourra durer, car elle est la seule antenne canadienne de Middleby.

Il y a des cas plus tristes où la Beauce perd davantage. Déli-Beauce, fabricant de charcuterie, a dû fermer ses portes l'an passé faute de repreneur, après 20 ans d'existence. Une quinzaine de personnes ont perdu leur emploi. Avec ses 250 points de vente et son million de dollars de chiffre d'affaires, elle était rentable et en progression depuis sa spécialisation dans les produits sans gluten.

«J'ai cherché à vendre pendant six ans et je ne sais pas pourquoi je n'ai pas vendu, réfléchit Roger Champagne, 74 ans. J'ai communiqué avec les traiteurs, les marchés publics, j'ai essayé d'intéresser des employés, j'ai eu bien des tracas. À la fin, j'acceptais à peu près de fermer, mais c'était triste comme idée.»

Finalement, grâce à son réseau de contacts, M. Champagne a vendu ses recettes de mets chinois à un restaurant et ses recettes de charcuterie à un charcutier, tous deux établis à Saguenay. Les entreprises ont repris les stocks et de l'équipement, tandis que la bâtisse a été vendue à une troisième entreprise, beauceronne celle-là.

Les organismes économiques de Beauce devront faire encore beaucoup d'efforts au cours des prochaines années pour faciliter les transferts d'entreprises et assurer l'avenir de la région. Et dans la mesure où la population des 35-44 ans, la mieux placée pour reprendre les commandes, est en chute, l'enjeu est de taille.

«On est inquiets face à la relève, dit Kathleen Fortin du CLD Nouvelle-Beauce, mais est-ce que ce sera comme le bogue de l'an 2000, une peur inutile ? Est-ce que, par fusions-acquisitions, ça nous permettra de consolider le tissu économique et de devenir plus forts ?»

À la une

Budget fédéral 2024: l'art de se tirer dans le pied

17/04/2024 | Daniel Dufort

EXPERT INVITÉ. Le gouvernement de Justin Trudeau «s’autopeluredebananise» avec son «budget mémorable».

Gain en capital: pas une surprise

17/04/2024 | Dany Provost

EXPERT INVITÉ. «Combien d’impôt ça va vous coûter de plus?»

L'industrie technologique mécontente des mesures sur les gains en capital

Mis à jour le 17/04/2024 | La Presse Canadienne

L'industrie technologique est mécontente des mesures sur les gains en capital.