" Nous étions dans le Web 2.0 avant même qu'il n'existe "

Publié le 01/05/2010 à 00:00

" Nous étions dans le Web 2.0 avant même qu'il n'existe "

Publié le 01/05/2010 à 00:00

Quand il a lancé son magazine, à l'automne 1985, Bruno Gautier se faisait dire qu'il se casserait la gueule avec un produit aussi ciblé, s'adressant à une poignée de professionnels du marketing, de la pub et des communications. " Il n'y a pas de marché ", lui répétait-on.

Un quart de siècle plus tard, Infopresse, dont les bureaux sont situés sur le boulevard Saint-Laurent, au coeur du Plateau Mont-Royal, emploie 35 personnes qui travaillent tant pour le magazine papier que le web, les conférences, et bientôt les formations. Et c'est rentable. Depuis 20 ans, en fait. " J'ai eu la chance de ma lancer dans un secteur où il y avait beaucoup d'argent et qui allait connaître une croissance extraordinaire ", dit cet ancien journaliste et photographe de 56 ans. " Mais cela prenait surtout de l'inconscience. "

Les Affaires - Être indépendant et très ciblé était audacieux, voire téméraire, il y a 25 ans. Est-ce un avantage aujourd'hui ?

Bruno Gautier - Ce qui était notre faiblesse - être un petit indépendant - est devenu notre force. Le fait d'être petit nous donne de la souplesse, nous permet de réagir rapidement. C'est essentiel dans notre milieu qui bouge à une vitesse incroyable.

Être surspécialisé est aussi un avantage. Notre développement se fait dans cette niche uniquement, ce qui nous permet d'offrir des produits très adaptés dans un marché que nous connaissons bien.

Au départ, il y a 25 ans, nous voulions au contraire nous diversifier. Nous avons lancé un magazine sur le commerce de détail et sur l'industrie touristique. Nous les avons fermés après deux ans. Il fallait repartir à zéro à chaque fois et investir des sommes importantes, car la diversification coûte cher. Nous avons plutôt décidé de concentrer nos efforts dans notre secteur, et d'axer notre développement sur notre mission : être le lien entre l'industrie et ses artisans. Aujourd'hui, peu de gens en communication ne nous connaissent pas.

L.A. - Votre stratégie Web est celle de la gratuité. Vous donnez tout votre contenu. Pourquoi ?

B.G. - Nous donnons tout pour avoir un achalandage maximal, ce qui nous permet de vendre nos conférences, nos concours et autres événements. Tous les jours, nous rejoignons notre clientèle cible. Nous avons 15 000 abonnés à nos infolettres.

Depuis une douzaine d'années, nous produisons des événements. Nous avons commencé par un ou deux par année et nous en organisons maintenant une quarantaine. Elles réunissent de 80 à 750 personnes. C'est maintenant la principale source de revenus des Éditions Infopresse. Nos conférences sont très ciblées. Par exemple, nous en organisons une sur le marketing des industries culturelles qui attire chaque année une centaine de personnes. Cela devient un rendez-vous pour les gens du milieu et c'est eux, après, qui en redemandent. Nous avons créé une communauté. En fait, le Web 2.0, cet esprit de communauté dont on parle tant, nous étions déjà là sans le savoir !

Quand les blogues sont apparus, nous avons craint un instant qu'ils ne deviennent des concurrents. Ce n'est pas du tout ce qui est arrivé, au contraire : c'est un contenu complémentaire pour la communauté. Et nous invitons les blogueurs à nos événements.

L.A. - Vous êtes un magazine d'industrie. Devez-vous faire des compromis dans les contenus ?

B.G. - Tous les médias ont de la pression. Mais nous choisissons nos sujets, leur traitement. Nous ne pouvons pas faire de compromis. Les gens qui nous lisent évoluent dans le secteur des communications et si nous devenons complaisants, nous les perdrons. Nous avons déjà perdu certains contrats parce que nous avions dit non à des propositions, mais à moyen terme, nous étions gagnants. Cela dit, nous sommes un média d'industrie. Nous ne sommes pas là pour descendre qui que ce soit mais pour parler des choses intéressantes qui se passent dans notre communauté.

L.A. - Quels sont vos prochains axes de développements ?

B.G. - Dès l'automne, nous offrirons des formations, possiblement d'un jour, pour des groupes de 10 à 15 personnes, sur des thèmes qui intéressent notre clientèle, comme le Web analytic. Nous voulons aussi avoir un espace physique pour notre communauté qui servirait de lieu de rencontres, de 5 à 7, pour des lancements, un média en soi qui renforcera nos liens.

Pour le reste, nous l'ignorons. Nous avons toujours fonctionné à coup d'essais et d'erreurs. Par exemple, nous souhaitions offrir des formations depuis cinq ans, mais c'était trop tôt. C'est impossible de prévoir à long terme. Avant, nous pouvions voir venir les choses, maintenant de moins en moins. Nous sommes en changement perpétuel.

Une entreprise qui ne se remet pas en question survit difficilement. Nous aussi, en tant que média, nous nous réinventons constamment. Dans les agences de pub, c'est l'ère du modèle décloisonné. Nous regardons également à l'étranger. Pendant des décennies, nous avions en tête les enseignements de Jacques Bouchard sur l'aspect culturel unique d'un marché. C'est encore vrai. Mais désormais, Apple peut choisir une petite agence d'Amsterdam pour une campagne internationale. Ça, c'est nouveau. De petites agences obtiennent des contrats importants. Cela bouge très vite. Cela dit, les besoins des entreprises pour bien communiquer demeurent. C'est la manière de le faire qui change.

( CV )

Nom : Bruno Gautier

Âge : 56 ans

Fonction: Président

Entreprise: Éditions Infopresse

Après avoir fait carrière dans les médias à titre de journaliste et de photographe, Bruno Gautier a fondé les Éditions Infopresse en 1985. L'entreprise compte aujourd'hui 35 employés.

martine.turenne@transcontinental.ca

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